Abstract
L’argument central du présent article est que la notion moderne de sexualité, telle qu’aujourd’hui nous la comprenons et en avons l’expérience, prit forme à la fin du 19e siècle. Cette modernisation de la sexualité, qui fut une évolution plutôt qu’une révolution, fut étroitement liée à la reconnaissance de la diversité sexuelle, dans la mesure où elle fut articulée sur la compréhension médicale et psychiatrique de ce qui était alors étiqueté « perversion sexuelle ».
Si l’on l’excepte la masturbation, la prostitution et les maladies vénériennes, l’intérêt médical pour la sexualité, avant le milieu du 19e siècle, était intrinsèquement cantonné au champ de la médecine légale qui se concentrait sur des actes criminels comme le viol, la sodomie ou les attentats à la pudeur. C’est à partir des préoccupations de la médecine légale pour les caractéristiques personnelles des délinquants ayant attenté à la morale qu’émergea la prise en considération par la psychiatrie d’aspects plus larges des conduites sexuelles désordonnées. Alors que les médecins avaient d’abord pensé que les désordres mentaux et nerveux étaient le résultat de comportements « contraires à la nature », les psychiatres estimèrent qu’ils étaient la cause de la déviance sexuelle. Les désordres sexuels furent de plus en plus considérés comme non pas seulement des formes de comportement immoraux mais aussi comme des symptômes d’une condition morbide sous-jacente. Dans les dernières décennies du 19e siècle, plusieurs psychiatres s’employèrent à classifier et à expliquer le large éventail de comportements sexuels déviants qu’ils avaient repérés. Fondant leurs arguments sur des théories déterministes d’une dégénérescence héréditaire et d’un automatisme neurophysiologique, ils avancèrent que, dans de nombreux cas, des activités sexuelles irrégulières n’étaient pas des choix immoraux mais bien de symptômes de caractéristiques innées. A partir de 1870 environ, d’éminents psychiatres allemands et français déplacèrent l’accent d’une déviation temporaire de la norme à un état pathologique. Collectant et publiant des histoires de cas de plus en plus nombreuses, ils introduisirent de nouvelles étiquettes et de nouvelles catégories de perversion. Après que l’uranisme, les sentiments sexuels contraires (l’inversion), et l’homosexuel (et l’hétérosexuel) aient été forgés dans les années 1860, les trois décennies suivantes apportèrent plus de néologisme, tels que l’exhibitionnisme, le voyeurisme, le fétichisme, la pédophilie, la bestialité, le sadisme et le masochisme et l’urolagnie. Les psychiatres apportèrent donc une contribution substantielle à l’émergence d’un discours médical sur la sexualité, de sorte qu’à la fin du 19e siècle les perversions pouvaient être reconnues et discutées.
Si l’on l’excepte la masturbation, la prostitution et les maladies vénériennes, l’intérêt médical pour la sexualité, avant le milieu du 19e siècle, était intrinsèquement cantonné au champ de la médecine légale qui se concentrait sur des actes criminels comme le viol, la sodomie ou les attentats à la pudeur. C’est à partir des préoccupations de la médecine légale pour les caractéristiques personnelles des délinquants ayant attenté à la morale qu’émergea la prise en considération par la psychiatrie d’aspects plus larges des conduites sexuelles désordonnées. Alors que les médecins avaient d’abord pensé que les désordres mentaux et nerveux étaient le résultat de comportements « contraires à la nature », les psychiatres estimèrent qu’ils étaient la cause de la déviance sexuelle. Les désordres sexuels furent de plus en plus considérés comme non pas seulement des formes de comportement immoraux mais aussi comme des symptômes d’une condition morbide sous-jacente. Dans les dernières décennies du 19e siècle, plusieurs psychiatres s’employèrent à classifier et à expliquer le large éventail de comportements sexuels déviants qu’ils avaient repérés. Fondant leurs arguments sur des théories déterministes d’une dégénérescence héréditaire et d’un automatisme neurophysiologique, ils avancèrent que, dans de nombreux cas, des activités sexuelles irrégulières n’étaient pas des choix immoraux mais bien de symptômes de caractéristiques innées. A partir de 1870 environ, d’éminents psychiatres allemands et français déplacèrent l’accent d’une déviation temporaire de la norme à un état pathologique. Collectant et publiant des histoires de cas de plus en plus nombreuses, ils introduisirent de nouvelles étiquettes et de nouvelles catégories de perversion. Après que l’uranisme, les sentiments sexuels contraires (l’inversion), et l’homosexuel (et l’hétérosexuel) aient été forgés dans les années 1860, les trois décennies suivantes apportèrent plus de néologisme, tels que l’exhibitionnisme, le voyeurisme, le fétichisme, la pédophilie, la bestialité, le sadisme et le masochisme et l’urolagnie. Les psychiatres apportèrent donc une contribution substantielle à l’émergence d’un discours médical sur la sexualité, de sorte qu’à la fin du 19e siècle les perversions pouvaient être reconnues et discutées.
Original language | English |
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Title of host publication | La modernisation de la sexualité (19e - 20e siècles) |
Editors | R. Beauthier, V. Piette, B. Truffin |
Place of Publication | Brussel |
Publisher | Editions de l'Université de Bruxelles |
Pages | 115-135 |
Publication status | Published - 1 Jan 2010 |